23 mai, 2013

Les libéraux me saoulent parfois !


Je me sens libéral, sans doute moins au sens économique, même si j'en ressens évidemment la portée, qu'au sens où j'aime bien être frondeur, ne pas forcément être d'accord avec la masse des moutons bêlants, et ne pas me fier instinctivement à ce que dit l'autorité parce que celle-ci aurait forcément raison. Avec les libéraux, je partage une communauté d'esprit mais je  ne veux jamais avoir à partager une pensée unique. Je préfère l'esprit à la lettre. Je n'ai pas l'âme d'un militant.

Je me sens parfois, bien que né en Italie, assez proche de ces poilus qui en 1916, qui soumis à une supériorité d'artillerie allemande évidente, ont déclaré que "ils ne passeraient pas". A ces types qui armés de leur seul Lebel et ravitaillés par la voie sacrée, ont seuls ou deux ou trois cachés dans leur trous d'obus fait comprendre à une notion technologiquement supérieure à la nôtre que si l'artillerie préparait le terrain, ce serait toujours l'infanterie qui l'occuperait. 

Leçon que manifestement nos amis américains n'ont pas compris dans toutes les guerres perdues qu'ils ont menées depuis la Corée. Vous pourrez lâcher un tapis de bombes mais tant qu'il reste au sol, ne serait-ce qu'une poignée de gars prêts à en découdre, il faudra aller sur le terrain risquer sa peau ! C'est la grande leçon que nos soldats infligèrent aux allemands à Verdun.

Je ne suis pourtant pas niais pour autant, et je connais tous les travers du pays dans lequel je vis. Je n'ignore rien des freins à l'emploi et à l'expansion économique et moi aussi j'ai besoin d'air et de liberté. Et bien sur, à l'instar de pas mal d'autres, je fumine quand j'entends sans cesse encenser la révolution française comme si rien n'avait existé avant. Mais malgré tout cela, je fais mon affaire de ce qui se passe en France et je ne rêve pas d'en partir. Sans doute qu'ayant trop lu Sénèque, je sais qu'ailleurs l'herbe est toujours plus verte et qu'il n'y a pas de voyageurs sans bagages.

Qu'il s'agisse du débat sur l'anglais ou bien de pointer toutes les énormes erreurs que la France aurait forcément commis d'un point de vue économique, j''enrage toujours. Cette litanie m'exaspère et j'ai souvent envie de crier aux gens qu'ils ne nous restent donc plus qu'à hisser la bannière étoilée et à devenir le cinquante-et-unième état américain puisque nous sommes si cons. En revanche, de ces mêmes personnes, je n'entends jamais la moindre critique envers nos amis d'outre-atantique lorsque venus à Paris, ils vous demandent leur chemin en anglais persuadés que forcément nous parlerons leur langue. 

Dans ce débat, le français ne pratiquant pas l'anglais ne saurait être que l'analphabète du XXIème siècle tandis que l'américain n'ayant pas la moindre notion d'une langue étrangère lorsqu'il se déplace, ne saurait aucunement n'être qu'un beauf arrogant. Pour ma part, si je suis d'un naturel aimable et acceuillant, et que je renseigne du mieux que je peux les touristes égarés, nombreux dans mon quartier, je me fais toujours un malin plaisir de préciser à l'américain (ou autre) qui m'aborderait directement en anglais que nous avons une langue et qu'il pourrait en apprendre quelques mots. Je n'ai jamais essuyé de réactions de colères et la majorité de ce touristes m'ont toujours dit "merci" en français.

Ce matin, j'ai lu dans Contrepoints, site que je consulte toujours avec plaisir, cet article qui m'a ulcéré. La même diatribe mille fois entendue m'était resservie encore une fois. Nous n'étions que des cons, notre histoire n'était que de la merde et nous devrions nous tourner vers nos amis anglo-saxons qui eux savaient vivre. Demandez aux indiens d'Amérique du Nord ou aux irlandais ce qu'ils pensent de ce savoir vivre. Bref, l'accent était encore mis sur l'économie au détriment de tous les aspects psychologiques qui font qu'un peuple reste un peuple en tant que groupe constitué et que parfois sa manière de vivre semble déroutante. Hier encore, je recevais une patiente bretonne dont le père a péri en mer. Et c'est lorsqu'elle me parlait de la vie de patron pêcheur, usant de termes techniques, de choses que seul un breton, un vrai de vrai, né près de l'océan peut comprendre, que j'ai réalisé que si nous étions tous les deux français, elle portait en elle une spécificité qui la rendait un peu différente de moi. Et j'ai trouvé cela bien d'avoir autant de points communs qui nous permettent de nous comprendre parfaitement en termes de grands principes, tout en conservant des spécificités culturelles qui sont aussi notre socle.

Pourtant, si je crois au progrès scientifique bien plus qu'à l'illusoire progrès spitiruel et moral, si je pense que bien des avancées peuvent être faites, moi j'aime bien parler à un espagnol, italien, malien, ou ce que vous voudrez, sans avoir l'impression d'être face à un clône. Je n'ai pas pour ambition de vivre dans un monde uniformisé dans lequel, le paradigme serait l'avènement d'un homo-economicus en costume cravate et tout juste passionné par des ratios. On a beau jeu de se moquer des comptables et des ingénieurs en souligant le stéréotype d'un individu forcément coincé, obsessionnel et pas marrant pour un sou mais je pense qu'en la matière, bon nombre d'économistes qui interviennent sur les forums libéraux sont bien pires.

Munis de leurs simples chiffres, ils vous indiquent la voie du paradis aussi surement finalement que l'auraient fait les camarades commissaires politiques de la défunte URSS. Dogmatiques au point d'en être sots, ils ont parfois du mal à comprendre que l'exploitation des données est plus compliquée que leurs simples compilations. Et que les mesures ne valent qu'au regard de ce que l'on mesure, qu'un individu est plus complexe qu'un bilan et qu'un groupe d'individus l'ait encore bien plus compte tenu des interaction qui y ont lieu.  

C'est sans doute du à mon caractère et au fait que je pratique la psychologie quotidiennement que je me défie toujours des simples chiffres. Bon nombre d'appréciations que nous portons sur la vie, sur les expériences que l'on fait, ne sauraient être rendues de manière quantitative mais plutôt qualitative. Sans doute est-ce la raison pour laquelle la clinique et le diagnostic en psychologie sont bien plus ardus que dans d'autres domaines. La normalité, le bonheur, et tant d'autres choses, ne sauraient se définir par de simples chiffres.

Tous les jours, je constate que des prolos sont plus heureux que des cadres sups' et j'en déduis donc que la vie réserve bien des surprises et que la prise en compte des simples mesures économiques ne saurait définir le bonheur mais qu'il faut l'appréhender de manière philosophique, d'une manière plus fine qu'en portant les gros sabots du comptable. Finalement, la simplicité en esprit est un pré-requis à quiconque souhaitant accéder au bonheur. Et moi dont les neurones ont tendance à surchauffer, je n'ai jamais été aussi heureux que depuis mes vingt-huit ans, quand j'ai appris à me dire "ta gueule Philippe, tu verras bien", rejetant loin de moi mes interrogations sans issues. Le moins, ou plutôt le mieux sont donc meilleurs que le plus.

Je crois que ce que j'ai le plus détesté chez notre ancien président Sarkozy, ne seront pas ses revirements, mais de le voir, affublé d'un t-shirt FBI et des ray-bans miroirs, en train de faire son jogging dans la capitale américaine. Comment ce type qui aurait du porter les couleurs d'un pays fort de vingt siècles d'histoires, dans une ville dont les plans furent dessinés par un français, dans un pays qu'un autre français aura contribué à délivrer de l'occupation, dont le président occupe uen résidence dont on se demande si elle n'est pas la copie d'un de nos chateaux, et dont la marque de prestige porte un nom bordelais, dont le port de sa plus grande ville a pour sympbole uen statue française, pouvait-il s'adonner à une aussi sinistre pantomime. Cette sinistre mise en scène healthy m'avait dégouté du personnage que j'avais deviné n'être qu'un cuistre de la dernière espèce !

D'ailleurs, n'en déplaise aux militants UMP, ce que je retiendrai du quinquennat de ce sinistre crétin, sera une forme d'américanisation de ma vie, passant par une répression intolérable et aveugle des automobilistes (radars) et une interdiction de fumer dans les cafés et restaurants. On pourra m'objecter qu'au nom des grands principes de santé publique, ces mesures furent de grandes avancées. Je serai en droit de répondre que si fumer c'est très mal et rouler trop vite pire encore, que dire des allemands dont les grosses berlines roulent à 250km/h sur les bundesautobahnen ou encore des chinois qui sont de gros fumeurs, peuples dont la réussite économique fascine toujours nos brillants comptables libéraux. Le débat ne peut être clos sur la simple présentation de chiffres. Ainsi, si je suis le premier à me plaindre de la recrudescence de la délinquance et de la criminalité en France, je n'ai pas pour autant envie d'avoir des flics ou des caméras à chaque coin de rue. Elle est étroite la pporte permettant de se faufiler vers le progrès social sans sombrer dans la tyrannie fut-ce celle de la rentabilité.


Bref, si je reste libéral, ce ne sera jamais au prix de ce que je me sens être, ni surtout en niant mes spécificités pour m'aligner sur une norme anglo-saxonne dans laquelle je ne me reconnais pas parce qu'aucune fibre ne vibre en moi à la vue de Big Ben ou du Pentagone. Comme le disait l'écrivain controversé Louis Pauwels, on peut être tous frères, on n'est pas jumeaux pour autant ! Je ne hais point les autres, je préfère juste les miens et la différence est de taille !

Le libéralisme m'attire parce qu'il y a le mot liberté et que cela nourrit mon esprit frondeur. S'il s'agit de troquer une quasi-dictature socialiste pour celle de la réussite à tout prix, je préfère encore rester assis à ma table de café avec mes clopes et un bon livre.  Je me sens sans doute plus proche d'un Lysander Spooner (un capricorne comme moi) que de n'importe quel économiste tirant sa légitimité d'on ne sait où niant la légitimité humaine pour se centrer sur des chiffres abscons. Et je n'oublie jamais que Frédéric II pourtant roi de Prusse eut une admiration sans borne pour le discours sur l'universalité de la langue française de Louis de Rivarol. Je ne pense donc pas que pour admirer la liberté il faille se coucher et renoncer à ce que l'on se sent être. Les autres nous apparaissent parfois grands que parce que l'on est à genoux devant eux ! Le plus drôle était que Rivarol soit d'ascendance piémontaise et pas du tout marquis comme quoi il fut un temps, où la France savait intégrer.

Moi qui parlais dans l'article précédent de sérendipité, il est bon de se rappeler qu'en recherche comme dans toute réflexion en général, les heuristiques ne sont pas forcément la panacée que des chemins de traverse existent. La liberté c'est aussi cela, celle de prendre la voie que l'on préfère quitte à ne pas choisir l'autoroute et quitte à se tromper ! Ce n'est pas appliquer bêtement des recettes toutes faites en pensant que ce qui vaut pour autrui vaudra forcément pour soi.

D'ailleurs la vision économique que nous réservent ce genre d'économistes ne fait jamais les bons films, cela ne fait jamais rêver. Récemment, n'ayant rien de mieux à voir, j'ai vu les deux premières saisons de Boarwalk empire, série retraçant la création de la ville d'Atlantic city dans le New-Jersey. Curieusement, je me suis fait la réflexion que c'est l'esprit frondeur de tout ce qui n'était pas purement WASP qui faisait le sel de cette série. L'alliance de ces voyous au sein de différentes mafias a ainsi permis à ces années vingt (les fameuses roaring twenties) d'être autre chose que ce qu'aurait désiré les ligues de tempérance ayant conduit à la prohibition (volstead act). Finalement, les noms de Al Capone, Lucky Luciano ou encore Meyer Lansky crèent une admiration teintée de culpabilité (oui ce sont des voyous) tandis que personne ne se souvient d'Andrew Volstead. La solution idéale ne marche jamais, combien de fois l'ai je dit à mes chers patients !

Etre français, n'en déplaise à certains libéraux contempteurs de l'ordre économique, c'est avant tout être irrévérencieux, c'est historiquement installer un pape à Avignon quand celui de Rome nous emmerde, c'est trancher la tête d'un roi, se moquer d'un président tout en rêvant devant les cathédrales ou en admirant Versailles. C'est compliqué, ça se vit, ça ne se décrète pas. Ce n'est pas forcément renoncer à ce que l'on est, c'est bien plus compliqué encore ! Ca peut passer par de l'amour ou de la haine et être tragique. C'est compiqué vous dis-je, plus que le calcul d'un PIB par habitant ou que le taux d'endettement par ménage.

Je crois que même si cela n'apporte peut être rien à l'économie, j'adore parfois être proud and vain and so french !


"Le patriotisme, c'est aimer son pays. Le nationanlisme, c'est détester celui des autres"

Charles De Gaulle



3 Comments:

Blogger El Gringo said...

On peut s'attendre à tout de la part des américains. Il parait même qu'ils auraient trempé dans l'ignoble attentat qui coûta la vie à ce pauvre Coluche.
Si, c'est vrai!!!!

24/5/13 10:59 PM  
Blogger Ash said...

Sur le même sujet :
http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2013/05/lenseignement-en-anglais-en-france-une-erreur-historique.html

25/5/13 12:59 PM  
Blogger philippe psy said...

@ el gringo : oui depuis la crise de Cuba, en passant par le Lusitania, etc., on peut parfois s'attendre à tout de la part des américains. Ne pas être ennemis ne veut pas dire que l'on ne soit pas concurrents.

25/5/13 4:11 PM  

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